Il était pensif, ces derniers jours. C’était agréable. Oui mais pas trop longtemps, dans cette villa c’était risqué, et Kei commençait à le savoir bien malgré lui. Et il errait entre les murs ne comprenant pas pourquoi on l’avait enfermé dans un endroit aussi dangereux qu’étrange. Ou la peur attend patiemment sa proie terrée dans les recoins sombres de cette maison ancestrale. Elle semblait sans âge, destinée à ne jamais disparaitre et continuait pour l’éternité ses enlèvements insensés, même les occupants paraissaient immortels dans ces lieux. Ou était-ce une illusion ? Keisuke devenait-il fou à cause de ces gens qui le harcelaient ? Ils voulaient quelque chose, mais il ne comprenait pas quoi.

Il n’avait pas encore saisit toute l’importance de la situation. Et c’était bien à tord. Joyeuse cohue hétéroclites, tous là, semblait-il,pour une raison bien précise. Lourds secrets, passés indéfinis et oublie de leur nom. Perte d’identité mais pas de mémoire est-ce mieux ou moins gênant ? Le jeune homme qui longeait les murs n’en savait rien, et cette situation le mettait dans un état pitoyable. Se poser trop de questions ronge les sangs et détruit l’âme. Mais que faire à part ça ? Plutôt se consumer seul que d’être assaillit par des gens inconnus sûrs de leur pouvoir sur les victimes de cette bâtisse.

Un besoin de calme, d’amnésie incommensurable s’empare doucement de Keisuke. Devenir fou est parfois long et douloureux et ses bourreaux le savaient parfaitement. Mais que voulaient-ils ? Eux apparaissaient heureux de faire souffrir les âmes tourmentées de ces enveloppes de chairs déchirées. La torture psychologique. Kei rencontrerait-il aujourd’hui une personne dans le même cas que lui ou l’un de ses tortionnaires ? Le plancher craquait légèrement sous ses pas et le vent faisait gémir la villa, comme eux. Ce corridor avait l’air interminable. « Au moins j’ai une vraie maison et une chambre rien qu’à moi ». Son optimisme le sauvait comme toujours, aujourd’hui comme hier, mais demain ? Aura-t-il disparu faisant place au désespoir. Ici son magnifique sourire ne lui servirait certainement pas, tant pis. Alors que devra-t-il faire pour sortir de là ? Son esprit n’était-il pas assez démoli par son passé difficile ? N’avait-il pas d’autre solution que d’en ressortir encore plus marqué ? Alors que les plaies ne s’étaient pas toutes refermées, toujours sanglantes sous le poids des souvenirs brûlants et sordide. Peut-être les gens étaient-ils tous des écorchés vifs de cette société ….

Il se laissa glisser contre le mur glacé du couloir, se prenant la tête dans les mains. Vraiment trop de questions. Une trop mauvaise comptine qui n’en finit plus de jouer son air maléfique. Il attendait la que son cerveau se calme et trouve un peu de repos à toute cette hystérie inquiète. Respirant sereinement, il écoutait attentivement autours de lui. Les craquements naturels de la maison, puis les bruits plus stressant qui venaient des pièces alentours. Puis il entendit des pas dans le même endroit où il se trouvait. Les plaintes du planchers se faisaient plus proches plus pressantes, elles demandaient qu’il se lève, elles n’auraient pas cet honneur. Il attendait que le souffle court que la personne lui dise quelque chose. Les pas cessèrent devant lui. On l’observait. Il ne regarda même pas l’inconnu et continua dans son mutisme.

La forme s’avançait à pas de félin, se déplaçant furtivement sur le parquet, son ombre jouait, sautant de mur en mur incertaine, infidèle à son propriétaire, elle n’était d’aucune utilité pour un quelconque renseignement. Kei’ attendait toujours le coup de grâce mais les pensées qui lui torturaient le cerveau s’étaient calmées pour se concentrer sur l’arrivant. Le stresse montait un peu plus en lui, quel compagnon se dirigeait sur lui ? Ennemi ou hôte aussi ? La personne s’accroupie à son niveau, dommage il allait devoir faire l’effort de relever la tête, et même peut-être de parler.

Lui qui voulait être seul, les désirs resteront insatisfait dans ces lieux plus que n’importe où. Il attendait, la respiration lente et sereine… mais quoi ? Qu’elle parle en premier ? Qu’elle attaque d’abord ? Ainsi pourra-t-il se défendre d’avoir était victime et non bourreau. Mais qu’elle idée, il était obligatoirement une victime, Keisuke n’avait rien demandé et voilà qu’un inconnu l’enfermé avec des diables dans cette demeure lugubre. Comment pouvait-il être un bourreau ? Lui et son sourire d’ange ? Il y avait eu une erreur.

Enfin, le jeune homme releva la tête regardant hébété sa mort, elle avait en elle une chose maléfique, une excitation au spectacle que lui offrait l’âme en peine. Semblant jubiler d’avance de se combat inutile. Une agonie et une chute vers les enfer un peu plus rapide. Rien quand regardant ses yeux Kei’ sut qu’il n’allait pas sortir indemne de cette entrevue infernale. Les blessures qu’il avait alors reçues jusque là n’auraient été qu’un entrainement, une préparation avant de rencontrer ce démon destructeur qu’il avait trouvé par maladresse. Il donnerait les ultimes forces dans ce combat avant d’aller se coucher, pour recommencer demain et peut-être jusqu’au jugement dernier.

Cette femme avait l’âme aussi noire que son aura de cheveux ébène. Les yeux perçant et la peau pâles, une véritable descendante de Lilith, et elle l’avait choisi lui pour son diner de ce soir. Elle voulait assister à son agonie et sa fin, pouvoir observer chaque détail de la petite mort dont Keisuke était le pantin. Elle semblait vouloir voir les dernières lueurs dans les yeux du condamné avant le coup fatal qui éteindra toute flamme dans son corps. Non il ne lui ferait pas ce plaisir, elle n’aurait pas cette satisfaction de sa part, il ne craquerai pas, pas comme les autres.

« tu gênes »,son timbre était neutre, sa voix plus froide que l’aura mortelle qui l’entourait, et pourtant au fond c’était une voix de femme, oui mais tellement enfouie que seulement une personne pourrait semble-t-il lui en arracher la véritable plainte.

« sans doute » marquant un temps d’arrêt il scruta son regard noir comme les ténèbres et plus dur que du diamant, étincelant et plein de suffisance. Son dégout du monde et des hommes ressortait parfaitement bien dans la couleur de ses yeux. Mais Keisuke aussi avait de la haine en lui, sans doute trop et refoulée depuis trop longtemps, il l’utiliserai contre elle, la fille du diable

« et alors ? » questionnement simple contrairement a ceux qui se dessinaient au rasoir dans son cerveau. Il savait qu’il ne se débarrasserait pas si facilement de cette jeune femme prête a tout pour obtenir ce qu’elle désir : son malheur.

« Sans doute … Et alors ? »

Sumire esquissa un léger sourire .La méfiance de cet agneau cendré avait quelque chose de comique , l‘inquiétude l‘avait même pousser à se méfier d‘une domestique , quel personnage surprenant. Assombri sans nul doute par l’indicible la colère qu’il terrait au fond de lui . Un feu incandescent sauvagement bridé par le doute , à la fois affligé par le malheur et raviver par celui-ci , de ces rages que l’on contient difficilement mais que l’on emprisonne par crainte , incertitude . De ces fiels qui éclatent soudainement , acides et dangereux , imprévisibles car imperceptibles tout d’abord , mais débordant d’énergie . Un sentiment qui donne le frisson à son porteur tout comme il hérisse le poil de ses malencontreuses victimes . Un fléau dérisoire pour Sumire , l’extase à vrai dire , ce refoulement n’avait pour la jeune fille que valeur de divertissement , la quête d’une drogue que seul Keisuke pouvait lui prodiguer au travers de ses prunelles courroucées …

Et bien soit , le loup se ferait brebis quelques temps .

Une nouvelle humanité traça de ses traits frigides les contours chaleureux d’une grimace amicale . Peut-être se serait-elle dégoûter en apercevant le furtif reflet de ce sourire plutôt timide ? Son visage inexpressif ne revêtant la véritable nature de ce triste rictus qu’en compagnie de Suô , mentait-elle à son frère tout comme à ses victimes ? N’avait-elle donc jamais su exprimer d’autres sentiments que le dédain , la rage ou l’hébétude ? Savait-elle réellement sourire notre vipère angélique ?

Encore un mensonge pour cette âme désespérée , encore une agonie lente et douloureuse au tableau de chasse de son bourreau . Keisuke était un garçon bien malchanceux .De charybde en scylla , c’était en cherchant l’auguste qu’il était tombé sur le clown . Etrange coïncidence pour curieuse situation , ni l’un ni l’autre n’avait un statut enviable , que se disputaient-ils au juste ? Leurs vies ? Quelques minutes de calme ou au contraire de divertissement ? Quoiqu’il eu fait , les dés étaient jetés par avance , ni lui , ni aucun autre invité des Morinaga n’avait sa place dans la villa , mais aucun ne la trouverait au dehors …

Sumire soupira , repoussant du bout des doigts quelques cheveux importuns la jeune fille se pencha vers son interlocuteur . Proche , bien plus proche que les convenances ne l’auraient autoriser .

La jeune domestique jubilait toujours , l’atypique animal allait-il sursauter , se recroqueviller ou simplement repousser la menace lorsqu’il aurait aperçu de plus près ses crocs étincelants ? Son cœur battait la chamade , emporté par l’excitation et le suspens .

La longue chevelure de la jeune fille se faufila dans un entrelacs ébène parmi les plis de sa parure virginale , nichées entre les jambes de sa proie , au creux de leurs cous, dans un frottement inaudible lentement chacune des mèches dessina ses rets inexpugnables , enlaçant le jeune homme , elles ébauchèrent dans un effleurement soyeux les lignes de ses épaules et de ses clavicules...
Sa main droite reposant contre le mur , la jeune fille bascula légèrement sa tête sur la gauche , son souffle tiède s‘écoulant suavement dans la nuque de Keisuke tandis que son autre main vint plaquer avec une douceur inattendue le torse de celui-ci contre le lambris .Auréolés de son aube immaculée marbrée d’encre , tous deux semblaient promis à une étrange communion dans ce couloir confiné et tristement sombre , bercés par l’hymne rageur du vent au dehors et le ronronnement acharné des préparatifs du dîner que celui-ci charriait dans sa course .

« Alors … tant que tu gêneras il faudra t’éliminer ! » Susurra-t-elle à l‘encontre du jeune homme tout en relâchant son étreinte , un sourire carnassier au coin des lèvres , son visage toujours aussi proche de son destinataire…
Le vent continua de mugir au dehors , frappant férocement les murs de la villa comme si par ce simple claquement il avait pu réprimander la demoiselle pour son manque de retenue .

« Comme la poussière sur une étagère . »
La domestique se releva , se saisissant de ses getas , sa longue robe immaculée recouvrit les pieds du pécheur ahuri . A quoi pouvait-il bien penser ? Avait-il seulement réaliser ? La jeune fille laissa échapper un ricanement cristallin de ses lèvres entrouvertes .Personne n’était digne de confiance ici , certes , mais au moins fallait-il faire en sorte de l’être au yeux de cet individu manifestement tourmenté .

« Je ne suis qu’une domestique . » déclara la jeune femme tout en esquissant un sourire éblouissant .
« Ne sois pas si agressif … »

Le visage Sumire s’était métamorphosé , de ses pupilles glaciales avait disparu leur reflet atone coutumier au profit d’une étincelle rieuse presque innocente , quant à son sourire , il ne cessait de s’élargir . Pour Keisuke , ni partition , ni fleurs sinon celles du silence , Sumire connaissait admirablement bien la procédure . Rassurer pour mieux torturer .
N’être que l’ombre de son apparence ,un reflet tentateur dont les facettes multiples paraissaient plus tendres les une que les autres, une illusion à l‘image de la lune .Mi léthargique , mi envoûtante , à la fois langoureuse et survoltée , séductrice et repoussante .Mais encore fallait-il savoir quel voile la demoiselle arborait pour voir clair dans son jeu .

« Personne n‘est fiable ici , tu as de la chance que je ne soit pas l‘une d‘entre eux… »

La jolie démone c’était installée sur le corps inanimé de Keisuke, elle avait entouré sa proie et dessiné son territoire de chasse pour cette soirée. Étrange créature que cette femme, il lui était vraiment nécessaire de s’approprier autant la victime déchirée ? Ou n’était-ce qu’un jeu malfaisant destiné à effrayer un peu plus la biche égarée et d’amuser le prédateur aguichant ? Non tout était trop subtile dans son regard aiguisé pour qu’elle se laisse aller à de tel fantasme inutile.

L’absence corporelle du jeune homme ne fit en rien reculer les envies meurtrières de sa dangereuse compagne, de cette mante religieuse qui voulait en finir pour recouvrer sa liberté perdu, trop longtemps. Elle lui redonnait du souffle chaud dans le cou, insuffler la vie à la poupée immobile, pour qu’elle puisse répondre. Mais la demoiselle avait des soupirs pourris, empoisonné, déjà la poupée était condamnée à perdre face à son créateur. Aucune sensation n’envahissait le cœur de Kei’, une lassitude ? Une habitude ? Les étreintes fugaces d’un soir, et le froid du lendemain. Femmes diaboliques, perverses et sans scrupules comme leurs hommes, tous en état de putréfaction et voulant faire semblant d’aller pour le mieux, d’être encore le maître du corps, du leur, comme du votre. Nous ne sommes que des êtres futiles éprouvant le besoin de vivre, mais nous survivons seulement.

Un spasme le pris, il voulu la repousser, mais retombé en enfance il se retrouva face à une femme plus forte que lui, et de ses bras chétifs il ne pouvait que serrer ses petits poings, impuissante chose dans les bras de la mort.
Alors … tant que tu gêneras il faudra t’éliminer !

L’éliminer, pour elle se serait tellement simple, une petite gifles suffirait a finir cette âme en peine. Mais la torture est plus douce, plus appropriée pour Lilith, n’est-ce pas ? Tout est calme dans la maison, le temps aurait-il suspendu son court ? Seul l’extérieur montrait des signes de vie. Figés, une belle scène d’une estampe japonaise, un homme et une femme dans un couloir si proche, si enlacés… mais non, ne te m’éprends pas ! C’est une succube profitant de la faiblesse d’une personne pour l’attaquer.
Je ne suis qu’une domestique .

Une domestique ? Impossible, elle devait le mener en bateau, et si ce n’était pas le cas elle n’avait pas l’air convaincante. Une telle diablesse avait forcement une importance plus forte dans cette bâtisse dénuée de sens. Il l’a regarda calmement sans haine, ni détresse, tout sentiments c’était volatilisé, de peur qu’elle ne les captures et qu’il ne les ressente plus jamais.

Mais lorsqu’il releva la tête pour la deuxième fois, il n’avait plus la même femme en face de lui, un véritable ange avait remplaçait l’autre. Elle s’était adoucie ? En quel honneur ? Le filet se refermé inexorablement sur le supplicié, les chaines invisibles et les menottes l’empoignait doucement, il ne pouvais plus échapper au destin qu’elle aurait choisi. Il avancerait dans le piège malgré lui à présent. Dur sacrifice que d’accepter son sort et rester stoïque, près à le voir venir au devant de soi, un sourire d’enfant aux lèvres rouge sang des victimes précédentes.

Keisuke se redressa légèrement, et fit lui aussi le plus beau de ses sourires, celui qui l’avait sauvé tant de fois, il allait maintenant être son signe de croix avant le jugement dernier. « je n’aurais jamais confiance en personne ici »

… il finit de se relever lui faisant face de toute sa hauteur maintenant à force presque égale … non, elle serait toujours plus puissante que lui, c’était son terrain de jeu après tout.

« désolé, mais même les domestiques me paraissent diaboliques… ne le prends pas pour toi »

C’est douloureux de vivre n’est-ce pas ?

Pourtant , je suis toujours là .
Toujours las de mon attitude mais éternellement lâche .
Mieux vaut supporter l’hébétude que l’affliction , mieux vaut traîner le fardeau d’une existence sans but que s’en soulager de peur de trop s’investir . La prudence est mère de mon incertitude , mon incertitude , la génitrice de ma colère .

L’ âme s’emporte et le corps tressaille , produit de la lente agonie que je m’impose davantage chaque jour .

Hurler , frapper , briser , mordre , fouler , saigner sont des échappatoires dont les portes closes m’interdisent l’accès . La marée saline qui embue mes yeux et lacère ma gorge est un poison .
Que vaut l’ennui de ma condition face à l’Homme ? La métaphysique face au palpable : l’argent , les diplômes , l’amour ?

Vide , sans consistance ni volonté un être vile voir détestable , une larve qui se hait et dont le monde s’effrite par prévision . Mon seul désir face à l’abîme : la disparition , mais encore faut-il le courage de s’éclipser pour renaître . Je suis condamné à l’inanité dans ma cage dorée , couard spectateur de ma propre vie …

C’est douloureux de vivre .
Je suis un pantin dont les fils enserrent le gosier .
Je suis un pantin inutile , le pantin qui pourri dans votre grenier .
Je suis un pantin pendu à son péché .

« Je n’aurais jamais confiance en personne ici . »

Coupable .

« Désolé , mais même les domestiques me paraissent diaboliques … ne le prend pas pour toi . »

Quel adorable personnage .

J’attends , je me balance au bout de mes cordes.
Je comptes , les secondes qui s’égrainent .
J’agonises , lentement , je ronge mon frein .

Grossier personnage .

Sumire baissa les yeux , son sourire se rétrécie ne formant qu’une mince courbe au coin de ses lèvres opalines .
Affichait un si beau sourire en de si tristes circonstances la laissa pensive .

« J‘ai un secret pour toi … » déclara la demoiselle d’une voix atone .

La jeune fille glissa gracieusement vers le pécheur , tête basse .

Entendait-il tout comme elle le gazouillement dissonant de son cœur contre ses tempes ?

« Tu n’es … qu’un divertissement . »

Levant ses prunelles limpides vers son martyr , Sumire saisit l’ébauche d’une agitation nouvelle , les mains croisées derrière sa nuque , hissée sur la pointe de ses pieds , front contre front ,sentait-il le cœur de son bourreau martelait au travers de sa poitrine ?
La domestique adressa un nouveau sourire à sa proie avant de s’en détacher .
Léger froissement , l’étoffe blanchâtre quitta son nid pour migrer vers des courbes plus accueillantes . Un pas en arrière , une révérence , le show peut commencer .

« Voici … »

Sumire leva les bras , un étrange rictus pris place sur son visage lunaire .

« Le cirque Morinaga ! »

Elle tourne , tourne la jolie ballerine sur son socle dorée , elle valse et badine toute auréolée dans son tutu de nacre …

La corolle immaculée fana sur les jambes de sa propriétaire , stoppant sa valse démonstrative , La domestique déposa sur son spectateur un œil rieur .

Que pensait-il notre pantin nébuleux ?

« Je suis le clown … » déclara la friponne .

« Et toi … »

Arlequine disparue .

« Toi , tu es le lion en cage , celui qui tourne en rond … »

Joignant le geste à la parole , la demoiselle mima de son index le mouvement circulaire qu'effectuait actuellement les synapses de Keisuke . Serait-il enclin au dialogue ou devrait-elle lui arracher violemment le fruit de sa convoitise ? Sumi' se mordilla la lèvre inférieure , dévisageant d'un oeil perçant la face moribonde de son acolyte .

« Celui qui doit être dompter . »


- Tu ne porteras point de faux témoignages à ton prochain .
- Mais sans mensonge , c’est ennuyeux la vie n’est-ce pas ?

Où...

le serpent allait encore cracher subtilement son venin, mais où ? Et quand ? S’adoucir pour mieux frapper, le croyait-elle si innocent pour ne pas savoir ?

Kei’ était calme, bizarrement serein comme si le poison de cette pomme ne pouvait rien contre lui, sans doute encore un des sortilèges de la jeune fille. Son apaisement le troublé, tout autant que le changement de comportement de sa compagne.

Un pas en avant, deux en arrière, un demi-tour artistique

a quoi jouait-elle ? Tout semblait chorégraphiés, calculés pour son plus grand bonheur, jusqu’au rapprochement, au accélération non désirées du cœur, a la danse du sang chaud dans les veines, tout semblait sous son contrôle, Keisuke était fascinait. Il aurait dût être effrayé, partir loin avant le coup de grâce, mais comme hypnotisé il restait là, immobile,

joli pantin de bois attendant qu’on tire les fils coupés de son existence.

Comme si c’était l’envoutante sorcière qui inverserait les rôles et brûlerait vif l’homme pêcheur. Et Kei’ serait le premier sacrifié de cette erreur d’antan, que les filles du diables non pas oubliée.
[la beauté est un jardin sauvage]


Dommage, pantin de chair.

" Je suis le Clown..."


Il regarda ce mouvoir avec agilité et douceur la ballerine, féline et faussement frêle.
Le clown ? Ou le jouet du clown ? Avait-elle la moindre idée de tout ce mécanisme dangereux, elle qui semblait savoir, faire partie de l’engrenage, le pion ne se faisait-il pas des illusions. Elle était forte, manipulatrice et triste à la fois, elle voulait faire souffrir…

mais la ballerine demeurera silencieuse et impuissante face à son créateur.

"Toi, tu est le lion en cage, celui qui tourne en rond..."


Elle démolie les autres pour ne pas voir sa propre décadence.
Le lion ? Un animal oui, elle avait juste, la simple domestique.
[les monstres véritables ne ressemblent pas à des monstres]

Trop juste.

Un véritable lion en cage qui tournait encore et toujours, ne savant que faire pour sortir d’ici et retrouver sa liberté arrachée subitement. Il esquissa un geste de recule, mais finalement repris sa position de départ,


pourquoi fuir le feu quand il vous a encerclé ?

« les lions sont impulsifs et imprévisibles »

Un sourire se dessina sur ses lèvres, son sang avait changé d’humeur, son dompteur avait attisé une nouvelle flamme en lui, pourquoi ne pas jouer un peu avec la mort, si après tout son sort était inévitable ?

Le pantin reprend doucement vit sous les yeux de la fée … maléfique.


« je suis curieux de voir comment tu vas t’y prendre »


Il se déplaça enfin, les mouvements saccadés par une trop longue attente, les articulations qui craquent comme le bois qui s’échauffe. Kei’ se dirigea vers la fenêtre et contempla les dernières lueurs du ciel mourant, encore, comme chaque jour.

Le soleil renaitra … mais le pantin ?

Le jeune homme tournait le dos à la domestique qu’elle folie avait pris le contrôle de son corps inanimé jusque là ? Son cœur se remit à battre rapidement, les tempes cognait sous sa peau pâle. Qu’allait-il se passer à présent ?


« mais, n’est-ce pas toi le lion ? Et moi comme tu l’as dit un divertissement, ton morceau de viande ? »

Impulsifs … imprévisibles ?

Sumire esquissa à nouveau un sourire .

Comme l’homme était un animal futile , une espèce pensante donc supposée supérieure .
Une grandeur mythique équivalent à l’interprétation d’un ego surdimensionné à l’image de l’ignorance qu’il tente de camoufler par d’absurdes raisonnements : La science du pragmatisme . Mais nos sens son trompeurs et notre perception … bernée par nos fondements saugrenus d’une réalité manipulable et calculable .
Les apparences sont trompeuses , personne ne le niera mais tous se fourvoient , corrompus par leur recherche de stabilité sur les bases bancales de la pensée commune . Ainsi , ce qui est petit n’est pas inoffensif , ce qui est grand , ne l’est pas moins non plus .

Si le lion est comme le veut sa réputation un prédateur redoutable , pourquoi ne chasse-t-il pas le moucheron pourtant insignifiant qui l’empoisonne des ses piques ?

Chacun ressent sans doute le besoin d’avoir un prédateur auprès de lui , l’homme y compris , c’est là , toute sa grandeur , et sa misère … le juste équilibre .



« Je suis curieux de voir comment tu vas t’y prendre …mais, n’est-ce pas toi le lion ? Et moi comme tu l’as dit un divertissement, ton morceau de viande ? »

Voilà une réplique bien téméraire … Keisuke lançait il un défi à la jeune fille ?
La demoiselle haussa les épaules , fronçant les sourcils elle adopta un air contrarié .

Grossier personnage !

Trouver la paix , l’amour … Deux choses fort différentes mais pas nécessairement indissociables . Eros n’est-il pas l’amant de Thanatos ?
L’amour … une obsession ?
La haine … Une passion ?
Ne déteste-t-on pas ce qui nous fut autrefois familier tout comme ce qui , inconnu , nous effraie ?
Méfiance est mère de prudence , mais qu’en est-il de l’impulsivité ?

Manifestement , Keisuke , était plus imprévisible qu’il ne le pensait , accoudé à la fenêtre , fixant les dernières lueurs du jour , à quoi songeait-il ?
Ses gageurs l’amèneraient-elles quelque part ? Souhait-il seulement qu’elles le fassent ? Voilà un homme bien orgueilleux pour présumer d’un individu à sa seule vue , et par cela … une personne potentiellement dangereuse à l’égard de la jeune fille dont le masque était tombé trop vite , à moins qu’il ne lui soit jamais apparu .



La Haine est un loisir comme un autre …



« Les clowns aussi sont un divertissement après tout ! » déclara la demoiselle tout en rejoignant son interlocuteur d’un pas feutré , glissant sur le parquet ciré tel un fantôme, sa robe blanche ondulant derrière elle comme la traîne d’un jeune mariée .

Fiancée du malheur , belle-sœur de l’ironie et amante du sadisme , famille diabolique mais accueillante pour une vipère tachée d’encre par les évangélistes . Seul le dégoût du genre humain emporte le repos éternel dans la tombe . Une vie sans péché est inexistante puisqu’elle ne peut débuter ! L’homme est abjecte car souillé dès la naissance , pourquoi alors choisir la lumière aux ténèbres ? S’exhorter à une nature qui n’est pas la notre …
Comme l’ombre suis son propriétaire , le vice colle aux Hommes les plus vertueux et les plus séduisants . Les plus belles pommes ne sont pas forcément exemptent de vers !



« Et ne suis-je pas un divertissement efficace ? »


Seule l’imagination envoûte , sorcières et comédiens ne sont qu’illusions , le fruit de cerveaux contrariés par une vérité décevante et désireux d‘en créer une autre au reflet plus attirant .
Elle est un poison plus efficace que miss Cantarelle , elle est la paranoïa des Hommes et leur seul divertissement . Elle est leur salut ... et leur condamnation .

La jeune fille adopta une moue inquisitrice , levant les yeux vers Keisuke , la mine compatissante sous un léger sourire faussement mélancolique .Gagner la confiance d’un tiers n’a d’importance que si cela pimente le jeu … Si le jeune homme n’était pas encore parti , c’est que ses répliques faisaient effet .

Aucun

Non aucun sentiment ne frôlait l’esprit du jeune homme. C’était bien la première fois qu’il ressentait un vide aussi profond un abîme des sens qui n’en fini pas, une chute qui ne sera que trop longue au fond de son âme.

« les divertissements n’ont plus d’effet sur moi »

Il sourit mécaniquement, mais ses lèvres le faisait toujours aussi bien, magnifique, métallique. Froid comme le cristal qui durcissait délicatement sur son cœur depuis le début de cette conversation. S’il fallait devenir vil et menteur il le deviendrai. Même si cette fille avait une emprise certaine sur lui, il ne lui montrerait pas. Même si il avait peur de la suite qu’il ne pouvait prévoir, il n’en laisserait rien paraître.

[Ainsi s’il en ressortait, sans trop de mal]

sans trop de mal ? Pauvre agneau l’innocence fait encore trop partie de toi

Il pourrait remercie la sorcière de l’avoir éveillé au jeu dangereux dans lequel il était. Elle ne lui apprendrai pas les règles, y en avait-il seulement ? Mais elle aura était un excellent professeur, indépendamment de sa volonté sans doute. Il la fixa continuant de lui sourire, les rayons orangés du soleil faisaient des reflets dans leurs cheveux bruns. Une fois que la lumière sera éteinte que se passera-t-il ?

Une lutte acharnée pour la survit, les prédateurs nocturnes se jetteraient violement sur la proie perdue et paralysée. Le sabbat commencerait et les incantations, maléfiques maudirai ce pauvre Kei’ ? vouloir bouger sans pouvoir, le corps et même l’esprit qui n’ont que faire des ordres du cerveau. Alors qu’il criait de fuir, s’époumonant à prévenir les chairs qui ont un plus grand désir de se faire déchiquetées par les ongles acérés de la belle pécheresse …

[Adam avait-il ressentit la même chose lorsque malgré tout il croqua dans la pomme ?]

Un si magnifique bourreau ne pouvait que lui faire du mal avec douceur.

Illusion.

Toutes ces illusions qui nourrissent les envies les plus secrètes et pourries de l’âme pure. Tout est faux en ce bas monde, même l’amour d’une mère pour son enfant, puisque tout s’efface et laisse place à la destruction. Il serai le poupon, et il subirai les mignons sévices tant que cela les occupe tous les deux pour oublier ne serai-ce que quelques instant leur condition de fantômes damnés.

« à présent divertissons-nous »

Il ne bougea pas cependant, attendant qu’elle fasse le premier pas vers lui, elle voulait être maîtresse du jeu, il la laisserai faire, pourquoi l’en empêcher ? Elle serai beaucoup moins heureuse, et elle ferai mal son travail. Il attendit sa réaction, est-il si prévisible ou imprévisible ? Il devait être un jouet bien ennuyeux pour qu’elle n’ai pas encore commençait réellement.

« tu ne voulais pas jouer un peu avec moi ? »


« désolé de te décevoir … »

Un sourire mécanique se dessina sur les lèvres du jeune homme , de ces sourires feints que la jeune femme accordait spontanément au monde . Rictus familier porteur de toute rancœur muette , un trésor forgé par la haine , aussi fourbe et resplendissant que Lucifer , empoisonnée mais savoureux . La dissimulation , son élément naturel , indicible pour le commun des mortels aveuglés par l’innocence de leur égocentrisme . Un jeu puéril mais mortifère , celui du « cache-cache » . Autrefois silencieuse et misanthrope , la jeune femme endossait à présent avec plaisir la tenue que ses anciens bourreaux avaient tant affectionnés . Le monde est cruel pourquoi alors agir pour son bien ?

Son sujet d’expérience paraissait l’avoir tout aussi bien compris qu’elle , l’atmosphère glauque de la villa Morinaga n’était que le reflet caricatural d’un idéal impossible à atteindre . Déformé ,dévisagé , gangrèné par l’atrocité de sauveurs aussi fautifs que les pécheurs qu’il voulaient absoudre … Ce projet était voué à l’échec et les dés déjà lancés avaient dans leur entrechoquements et leurs rebonds sonnés le glas d’un échiquier envahit de pions .

« Je te trouve bien bavard … pour un jouet qui n‘a cure du jeu ! »

Les mots avaient claqués , implacables et voilés d’agacement sous leur apparente candeur . Un sourire crispé se dessina sur les lèvres de Sumire , la domestique commençait à se lasser du petit manège que lui imposer son pantin inerte . Souhait-il réellement subir sans réagir ? Bien sûr que non , il aurait sans aucun doute éviter cette dernière pique pour préserver son inanité et sa neutralité factice … Keisuke voulait lui aussi mener un bout de la barque quoiqu’il affirme , il pensait que jouer les caméléons doublerait la mise . Peine perdue , Sumi’ ne parier qu’à dix contre un !

- Désolé de te décevoir …

La jeune fille grimaça comme un enfant dont les espoirs déçus venaient d’être avortés par une imprécation paternel inviolable .

« Désolée de te pervertir … »
Renchérit la demoiselle qui décidément n’oser supplanter le poison de sa proie sans y mêler le sien , effaçant irrémédiablement sa couverture bon enfant .
Keisuke savait semble-t-il à qui il avait à faire , à fourbe contre fourbe l’issue d’une joute se voyait fort compromettante pour chacun des adversaires , Sumire devait prendre un pas d’avance sur le jeune homme si elle ne voulait pas y laisser plus de plumes que de mérite .

« Si ma présence t’incommode je consent à te laisser seul face à tes torts … »

La domestique esquissa un demi tour , ôtant ses coudes de la fenêtre sur laquelle ils étaient appuyés et se dirigea vers la sortie .

« Sache seulement qu’il est préférable de mettre la vipère de son coté lorsque l’on est une vermine … »
Tournant définitivement les talons , un air hautain masquant la déception amenée par ce retrait momentané de la bataille . Si l’emprise que la domestique pensait avoir sur le jeune homme était à la hauteur de son ego , nul doute que Keisuke la rattraperai vite afin de mettre les choses au clair , peut-être même y décèlerait-il une opportunité .
Sumire sourit de nouveau , s’abaissant afin de ramasser ses getas tandis que les derniers reflets du couchant s’effaçaient sous ses yeux , lissant le parquet dont le cirage rendit la masse uniformément noire comme l’encre .

« Les serpents sont des êtres savants après tout . » Glissa le jeune fille afin de poignarder définitivement la curiosité tout autant que l’ego de son interlocuteur .
La demoiselle avait une idée précise en tête , un dessein sournois mais si amusant que sa séduisante victime tomberai dans ses rets quelque soit le péché dont elle était accablée …

Elle était vraiment diabolique. Mais c’était un diable adorable, et le simple fait qu’elle soit présente avait fait oublier à Kei’ toutes ses questions insupportables qui se jouaient de lui quelques instants plus tôt. Bien sur la jolie sorcière ne faisait pas mieux, puisqu’elle le manipulait de surcroit. Mais ce laisser manipuler est tellement agréable parfois, et tant qu’à être un jouet autant avoir un beau propriétaire n’est-ce pas ? sinon le jouet est moins heureux, et ne peut divertir son maitre, et là était bien le but de leur rapprochement : le divertissement et oublier un peu la réalité de ce qui leur arrivait.

{Use Me When You Want To Come}

Alors il se laisserai prendre au jeux, elle n’aimait pas que le jouet bouge trop, il ne bougerai que si c’était nécessaire. Elle n’aimait pas qu’il parle trop, alors il ne répondrai qu’à ses phrases, et plus de son propre chef.

« Mais toi seras-tu t’occuper sans moi ce soir ? Je ne consens pas à te laisser seule face aux tiens »

Il était bien vaniteux de pensait qu'il lui était presque vital, mais peut-être allait-elle réagir à cette simple parole. C’était les derniers mots piquant qu’il prononcerai jusqu’à la fin de cette conversation empoisonnée. Cependant la domestique était en train de lui échapper, il ne pouvait le supporter, même si c’était jouer avec le feu, il ne voulait pas qu’elle parte. Du moins pas maintenant. Pas après qu’elle avait dévoilé un tant soit peu son jeu. Il marcha derrière et lui attrapa le poignet. Non elle ne s’échapperai pas ! C’était là, aussi, sa dernière décision avant de devenir son poupon.

{Use Me Like I Was A Whore, Relationships Are Such A Bore. Delete The Ones That You’ve Fucked}

« maintenant joues avec moi ! ».

Il avait la tête baissait, soumis, elle avait gagné pensa-t-il, il avait prononcé ces mots sur un ton si résigné, pourquoi ? Il s’étonna lui-même il s’ennuyait tellement en ces lieux maudits qu’il était capable de passer un pacte avec le diable en personne. Le démon c’était personnifié dans une si belle prêtresse qu’aucun homme même, le plus fervent d’entre eux, n’aurait pu résister à la tentation. Alors il céda, comme les hommes sont faibles encore plus quand ils ne savent pas quoi faire, capable du pire comme du meilleur, au fond, l'homme n'est qu'un animal qui à peur de l'ennuie plus que les autres.

{Dieu protégez nous du mal}

Au diable Dieu et ses promesses, au diable les anges et toutes les prières que Keisuke avait appris enfant. Ce soir Lilith lui était apparue et la voie des enfers était bien plus belle que celle des cieux, puisqu'elle lui promettait une occupation dans cette maison, alors que le paradis ne lui avait envoyé aucun secours depuis longtemps. Elle brillait dans sa robe immaculée. le jeu allait-il commencer ?

{All That Glitters Is Cold}

Aller Utilises-moi ! tant qu'a être à quelqu'un ici, autant être à toi...

« Mais toi sauras-tu t’occuper sans moi ce soir…

La domestique relâcha le pan de sa longue robe sur ses getas la parure de lin blanc grossièrement tissée s ‘étala au sol tel un manteau de neige. Pensait-il que ses menaces sonnaient aussi férocement que les injonctions du Géniteur ?
Certes , elle trouverai toujours de quoi s’occuper , une domestique avait toujours à faire , le fait que son divertissement soit un pur plaisir ou un labeur ennuyeux n’avait pour elle aucune importance tant que l’inanité ne s’emparait pas de ses chairs et de ses méninges . Il lui fallait toujours remuer tant de corps que d’esprit pour se sentir vivre . La mouvance était sa seule illusion vitale , la seule chose qui ravive l’étincelle tapie au fond de sa poitrine , la seule activité qui pouvait effacer l’espace d’une journée l’absence de son frère et leur souffrance passée et avenir .

La jeune fille resta dos à son interlocuteur , feignant de prendre la fuite comme une jeune effarouchée dont le subterfuge afin d’obtenir une sucrerie vient de lamentablement échouer.

Voilà un personnage bien hautain pour penser supplanter par sa présence l’ennui dont il était la source quelques minutes auparavant … la demoiselle était ,malheureusement pour Kei’, une créature fort rancunière et son scepticisme n’avait de même aucune limite ,en ce cas , quelle garantie pouvait bien lui apporter la soumission d’un jouet qui par deux fois avait faillit à son rôle en manquant de la faire languir ?

… je ne consens pas à te laisser seule face aux tiens. »

Sumire esquissa un large sourire lorsque son pantin douta de sa vertu. Chacun ses torts bel agneau , la sirène cachait de trop vilaines plaies pour les dévoiler à qui que ce soit . La demoiselle soupira, un rictus narquois teinté de dégoût s’accrocha une ou deux secondes au coin de ses lèvres . N’inversait-il pas les rôles ? Sumire n’avait rien à se faire pardonner , pourquoi le pécheur aurait-il absolu la sainte vipère de ses péchés tandis qu’ignorant , il feignait de ne pas connaître les siens .
Quel sort réserver à un jouet si présomptueux ?
La domestique soupira longuement déguisant sa répugnance en rémission , elle fit un nouveau pas vers la sortie .
Ce fut à cet instant , que la jeune fille sentie une violente nausée remontait sa trachée , lui hérissant l’échine de piques empoisonnées comme si une colonie de fourmis venait d'arpenter son corps pour la transpercer .Le main du jeune homme embrassait son poignet dont la peau laiteuse tranchait maladive, sur sa main mate . Il sembla à la jeune fille qu’un brasier lui rongeait à présent l'articulation, esquissant un geste de recul , la demoiselle leva une main furibonde vers le visage de son interlocuteur mais tout aussi rapidement … se ravisa .

« Maintenant , joues avec moi ! »

Les mots avaient claqués , impassibles et résignés , cette voix si irritante empruntant la douce tessiture de l’abandon sans condition …
Sumire tiqua , désirait-elle se servir d’un jouet dont la résistance avoisinait les zéros pourcents ?
Que penserait Suô ?
L’ébauche d’une pensée jusqu’alors inconnue ,ou plutôt improbable, effleura les synapses pernicieuses de la vipère .
Et si … elle avait un jouet à elle toute seule ?

Un tendre sourire se dessina sur le visage de la jeune fille , un sourire radieux qui n’était destiné qu’à une seule personne dans cette pièce … elle-même . Suô leur avait attiré tant d’ennuis en couchant avec tout ce qui baise , peut-être qu’un pion de secours aurait son utilité afin de parvenir à leur objectif revanchard ?

Sumire abaissa sa main libre , toujours prisonnière de son réflexe attenté .
Le contact de Keisuke n’était plus si désagréable , la surprise passée, la frustration s’en suivit . Le jeune fille détestait plus que tout les contacts physiques, à mieux y réfléchir , elle abhorrait tout contact hors de sa propre initiative . Son jouet venait de fauter pour la troisième fois , était-elle encore apte à lui pardonner ?

La tête basse comme lorsqu’elle l’avait croisé , avachi le long du mur quelques minutes auparavant , Keisuke acceptait docilement les termes d’un contrat dont il n’avait visiblement pas saisit l’importance .

Sumire , elle,suspendue entre le dédain et la sadisme toisait sa marionnette d’un œil torve .
Abaissant d’un geste las son poignet toujours retenu prisonnier par Keisuke , la domestique se pencha de nouveau à l’oreille de son interlocuteur .

« Les jouets soumis sont des jouets paresseux , ils ne m’intéressent pas . »

Le visage de la jeune fille pivota s'illuminant d'une lueur perverse sous ses pommettes roses, son souffle tiède vint se nicher dans la nuque du jeune homme lui faisant face . Sumire crut percevoir une légère accentuation de la pression qu’exercait Keisuke sur son poignet tandis qu’un frisson lui parcouru la nuque .

« Sans lutte , il n’y a pas de jeu . »
A nouveau la demoiselle frôla le cou de son vis-à-vis , cette sensation enivrante de pouvoir lui tournait la tête . Tant de portes pouvaient s’ouvrir , tant pouvaient se refermer . Ce qui motiver Sumire à présent ? C’était l’excitation ! La prise de risques ! Il lui fallait tester les limites de son jouet , les limites de sa manipulation . Pouvait-elle assujettir ses humeurs ?

« Sans jeu pas de récompense .. »
Pouvait-elle assujettir le corps ?
Jusqu'où pouvait-elle allait ? Jusqu'où la nausée la tirerai sans lui arracher un seul hoquet ?
Levant sa main libre , la domestique dessina sans pour autant l’effleurer , les contours du visage de sa victime , fixant de ses prunelles opalines la surface apathique de celles , brunes, de sa proie .

« Je te l’ai dit … les serpents sont des êtres savants »
La jeune fille esquissa un sourire .

« Mais il faut savoir se montrer … persuasif, pour qu'ils désirent partager leur savoir et leur temps. »
Pouvait-elle assujettir sa raison ?

« Mais il faut savoir se montrer… persuasif, pour qu'ils désirent partager leur savoir et leur temps. »

Cette jeune fille tournait toujours dans le sens contraire du vent. Tantôt heureuse, Tantôt insatisfaite, on ne savait jamais comment la prendre, comment la charmer, comment l’amadouer. Au moins les serpents n’ont qu’une seule manière d’être captif, bien que ces créatures reniées de Dieu soit difficile à attraper. Kei’ avait cette impression d’être un dompteur surpassé par les événements, où sa jeune femelle tigre se rebellait encore une fois contre la main qui l’a nourri. Sauf que Kei n’avait jamais eu l’occasion de nourrir son interlocutrice depuis son enfance et qu’elle n’était pas un animal mais bel et bien humaine. Elle ne voulait pas gagner si facilement.

C’était compréhensible et légitime, un poupon qui ne bouge plus doit être jeté, tant pis pour lui. Mais Keisuke à toujours était le bon petit jouet qui faisait plaisir à tous. Sa famille, ses quelques amis, ses patrons, il n’avait jamais réellement volé de ses propres ailes et à présent, c’était une si belle sorcière qui le poussait du précipice qu’il avait peur. Devoir prendre ses décisions par soi-même, devoir se jeter dans le vide sans se retourner, sans quelqu’un pour vous tenir la main ou vous aider à sauter. Non il ne savait pas faire. Lui qui avait eu tant de responsabilités … éphémères, ce sont toujours les autres qui l’ont guidé dans l’ombre sans qu’il le sache vraiment.

Son ventre se noua sous cette nouvelle expérience. Cette fille si maléfique allait-elle après tout lui être utile pour grandir et changer ? qu’elle ironie du sort. La décadence qui propulse vers l’indépendance. Persuader ? Qu’est-ce que ce mot ? Prendre par les sentiments, avoir des arguments qui prennent aux tripes. Mais cette ballerine maudite n’avait rien de cela ! Elle se croyait supérieure et attendait un spectacle digne d’elle.

[ceux qui vont mourir te salut]


Il restait tête basse, son poing libre se serrant un peu plus chaque seconde. Il n’était plus ni triste, ni soumis, son côté colérique remonté, celui qu’il avait enfoui si longtemps se laissant faire par les autres. Ce lui, si violant qu’il contrôlait si bien avant. Sa main exerçait une pression de plus en plus forte sur le poignet de son interlocutrice et de sa main libre il la gifla, avec une puissance telle que la jeune fille eu la tête projetée sur le côté.

« Te crois tu mieux placée que moi dans cet enfer pour avoir le droit de faire la difficile ? »

[Si quelqu’un te gifles sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre (Mt 5, 39)]

Il releva son visage devenu sombre, plus aucun sourire angélique, plus aucune innocence n’adoucissaient ses traits si juvéniles quelques minutes plus tôt. Les mâchoires serrés et le sang qui battait dans les tempes il se retenait de lui mettre une baffe sur l’autre joue, ses ongles s’enfonçaient dans la chair de ses mains.

« tu recherches un jouet qui n’est pas ici ! Alors contentes toi de ce que tu as, ou arrêtes de vouloir jouer ».

Il fulminait de l’intérieur, mais il ne voulait rien faire de plus. Il venait de comprendre qu’il ne connaissait rien d’elle a part qu’elle était une domestique. Son nom, son âge lui étaient inconnus… et en réalité, avaient-ils une quelconque importance dans cette maison ? Pas vraiment l’identité n’avait plus sa place, seul les actes et les mots comptaient, tu pouvais bien être n’importe qui, n’importe quoi… ça n’avait réellement aucune importance dans le jugement dernier de cet endroit.

" Sans récompense, il n'y a aucune raison de lutter"

[ they’ll never be anything]